MUSIC 4 A WHILE

MUSIC 4 A WHILE - "AY LINDA AMIGA"

MUSIC 4 A WHILE  –  « AY LINDA AMIGA »

« Music 4 A While »

Autant en emporte le temps.

La formation Music 4 A While est née en 2012. Elle se compose de Johan

Dupont (piano et arrangements), Muriel Bruno (chant), Martin Lauwers (violon),

Jean-François Foliez (clarinette) et André Klenes (contrebasse).

Venus d’horizons musicaux différents, les membres de Music 4 A While

proposent une relecture de la musique baroque et ancienne avec un regard neuf,

influencé par l’esthétique du jazz.

Il ne s’agit pas ici des premiers pas de danse entre le jazz et le baroque, deux

formes musicales proches, même si plusieurs siècles les séparent. En effet, à

l’époque baroque, les musiciens étaient capables d’improviser et les interprètes

étaient libres d’intégrer des détails personnels dans leur partie. Cette liberté

donnait aux oeuvres musicales baroques une actualité toujours renouvelée,

comme dans le jazz. Mais c’est sans doute la pulsation rythmique qui rapproche le

plus le jazz de la musique baroque, avec cette souplesse du phrasé et une

dynamique plutôt dansante créée par le rebond d’une note à l’autre, souligné par

des coups de langue, d’archet, de plectre ou de médiator.

Pour rappel, le nom du groupe, Music 4 A While, s’inspire d’une oeuvre du

compositeur baroque anglais Henry Purcell, Music For A While (1692), dont la

première version était écrite pour voix et continuo, et intégrée dans la pièce de

théâtre « Oedipus » de John Dryden et Nathaniel Lee, avant de connaître de

nombreux arrangements. Quant aux premières paroles de Music For A While,

elles résonnent comme une déclaration d’intention de Music 4 A While :

« La musique un moment,

Trompera tous vos tourments.

Vous vous étonnerez de voir vos douleurs soulagées, »

Le premier cédé de Music 4 A While, publié en juillet 2013 par Igloo Records,

va rapidement trouver son public. Retour au studio cet été pour le deuxième

opus, et une aventure musicale qui gagne en audace et en puissance. Le nouveau

répertoire comporte dix morceaux, dont un très lumineux Ay Linda Amiga,

attribué à un anonyme espagnol du 16ème siècle.

Le choix de Ay Linda Amiga comme titre de l’album ne doit rien au hasard. En

effet, plus qu’une consolidation du propos, Ay Linda Amiga résonne comme un air

hors du temps qui se moque des frontières. Pour réaliser ses ambitions

esthétiques, Music 4 A While accueille plusieurs invités : Stephan Pougin aux

percussions, Adrien Lambinet au trombone, Luis et Sergio Pinchera pour les

choeurs et César Guzman au charango (luth traditionnel d’Amérique du Sud).

Percussions, voix du Sud, trombone – un descendant du serpent, cet instrument à

vent grave créé à la fin du XVIème siècle –, charango… voilà autant de sonorités

et de vibrations qui donnent à dépasser la tradition, cette tradition qui n’est pas

du folklore ou de la répétition. Il s’agit plutôt ici de l’authentique qui n’est pas

l’antique comme rabâchage, mais l’innové comme retrouvailles, pour paraphraser

le sociologue et anthropologue français Jacques Berque.

Jazzaround tenait à suivre l’enregistrement de ce deuxième opus dans les

studios d’Igloo, sous la houlette de l’ingénieur du son Daniel Léon. Le scepticisme

de notre « envoyé spécial », Roland Binet, se transformera très vite en

enthousiasme, après l’expérience de la mise au monde d’un projet musical

cohérent et ambitieux.

Voici un extrait du reportage où il évoque Ay Linda Amiga :

« …je me fis la réflexion que des musiciens issus de pays, milieux, d’études et de

culture musicale tout à fait différents, pouvaient arriver à exprimer par des

moyens techniques presque semblables, une même universalité, la preuve peutêtre

que la musique rassemble plutôt qu’elle ne sépare… Finalement, les deux

chanteurs chiliens prirent place dans le studio pour ajouter leurs fort jolies voix

de ténors – l’une d’entre elles étant un rien plus sombre – à celle de Muriel Bruno

pour enregistrer le passage en choeur… On écouta ensuite les multiples prises

dont je retiendrai surtout le refrain qui revenait de manière lancinante et un

rien appuyée, tel une exhortation… Et ce choeur, d’une belle et prégnante

intensité, dont la vigueur et l’enthousiasme, mâtinés de soprano, ajouta encore à

la beauté et la réussite du morceau. »

De John Dowland (The Lowest Trees Have Tops) à Monteverdi (Chiome d’Oro),

en passant par Henry Purcell (Dido’s Lament), et Charles Henri Rebouté (Les

Tendres Souhaits), Music 4 A While nous invite une fois encore pour un voyage

hors du temps… pour un moment.

Philippe Schoonbrood

Rédacteur-en-chef de Jazzaround